LES IMPACTS DE LA GÉOPOLITIQUE SUR LE SPATIAL - L'ACTU SPATIALE #32, du 13 Mars 2022

          






SALUT LES COSMONAUTES !



Voici le résumé de l'actualité spatiale des deux dernières semaines écoulées, tant relatifs aux vols qu'aux lancements ou bien aux récentes découvertes (eh oui, ça faisait longtemps) ! Sur ce, c'est parti !



Le monde du spatial chamboulé par la géopolitique

La situation actuelle, bien qu'étant de nature géopolitique, a des répercussions importantes sur le monde de l'espace. Un des changements les plus marquants s'étant déroulé dès le début des tensions fut la rupture de toute collaboration internationale ayant été mise en place avec la Russie : le 26 février, par exemple, l'agence Roscosmos annonçait l'arrêt de ses activités au centre spatial guyanais basé à Kourou, où, avec l'aval d'Arianespace, elle lançait depuis 2011 des satellites à l'aide de sa fusée Soyouz. Cette décision impliqua également le retrait de l'entièreté du personnel russe présent sur place, et ce furent 87 ressortissants qui quittèrent la Guyane française. Ce retrait ne devrait cependant pas altérer l'état du fonctionnement des programmes Galileo et Copernius, selon les dires du commissaire spatial européen Thierry Breton : "Je confirme que cette décision n'aura pas de conséquences sur la continuité et la qualité [de nos] services. Le développement des infrastructures concernées n'est pas non plus mise à risque". En réponse aux sanctions lui étant infligées par les occidentaux, la Russie a aussi posé le 2 mars un ultimatum aux dirigeants de OneWeb, société britannique manufacturant des satellites de télécommunication, à partir duquel ils garantissaient le bon déroulement du lancement de 36 de ces derniers s'il lui était promis que la compagnie n'en ferait pas un usage militaire. Suite à cela, OneWeb a suspendu la coopération et a ordonné le lendemain à ses équipes de quitter le cosmodrome de Baïkonour, le secrétaire d'état aux affaires économiques rajoutant qu'il n'y avait pas "de négociations possibles à ce sujet : le gouvernement du Royaume-Uni ne vendait pas ainsi ses produits". Le lanceur alors déjà dressé en vue du décollage du 4 mars, à présent annulé, fut donc retiré de son pas de tir. L'avenir de certains projets scientifiques, qui s'étaient bâtis sur la base de la collaboration avec les russes, s'est retrouvé pour sa part compromis : une mission conjointe entre Russie et Etats-Unis, baptisée Venera-D et qui prévoit d'aller étudier Vénus, ne pourra plus compter qu'un seul partenaire, la faute à une déclaration faite le 26 février ; de même avec la mission russo-européenne ExoMars : déjà repoussée à cette année et devant être lancée à bord d'une Proton, elle se trouve aujourd'hui dans une situation critique, l'ESA ayant jugée "un possible lancement en 2022 très improbable", comme nous pouvons le lire dans un rapport datant du 28 février. L'escalade des tensions s'est aussi traduite par une altercation sur Twitter entre Dmitri Rogozine, directeur de l'agence spatiale russe, et Scott Kelly, ex-astronaute américain : ultérieurement à l'arrêt de la collaboration avec OneWeb, Kelly s'adressa à Rogozine sur un ton assez familier, lui demandant des comptes quand aux propos que ce dernier avait adressé ; le russe lui avait répondu entre autres : "Dégage abruti ! Ou la mort de l'ISS sera sur ta conscience !". Tandis que l'américain réitérait ses offenses, Dmitri lui intima de ne plus lui parler sur ce ton : "Peut-être la démence et l'agressivité que tu as développé sont les conséquences de trop de stress  emmagasiné durant tes quatre séjours dans l'espace". L'Ukraine, se jugeant en période de crise, demanda à la fin du mois de février l'aide du premier milliardaire au monde : Elon Musk lui promit et envoya jusqu'à présent deux séries de terminaux Starlink afin d'assister le pays et ses systèmes de communications défaillants ; ce à quoi le président Zelensky et son gouvernement lui adressèrent leurs plus sincères remerciements. Alors que les bombardements font rage et que leurs effets sont visibles via de nombreuses images satellites, une triste nouvelle nous était parvenue dès le 28 février, qui émut bien des passionnés : il fut confirmé par les autorités ukrainiennes que l'Antonov AN-225 Mryia, jadis le plus grand au monde, construit dans le but de transporter l'ancienne navette soviétique Buran, a été détruit alors qu'il était garé dans un hangar de l'aérodrome de Gostomel, au nord de la capitale Kiev ; bien que n'ayant pas pu constater directement les dégâts, la société en charge de l'appareil estime la restauration à un coût de trois milliards de dollars et à une durée d'environ cinq ans. Tous ces évènements, interdépendants entre eux, doivent encore être considérés avec un recul suffisant pour en estimer les véritables impacts, mais il est certain que l'équilibre international qui avait su se maintenir en place au travers de plusieurs décennies de collaboration s'en retrouve chamboulé, une des conséquences majeures de cette situation, assez prévisible, représentant la prise de conscience concernant la légitimité spatiale de l'Europe, et à coup sûr l'accélération de son programme de vol habité lui étant propre. A noter qu'à l'heure actuelle, l'ISS n'est aucunement concernée par les tensions engendrées, et que son fonctionnement demeure opérationnel.


La Soyouz 2.1, qui devait lancer les satellites OneWeb, en train d'être redescendue à Baïkonour © Roscosmos


Le trou noir qui n'en est finalement pas un 

Vue d'artiste d'HR 6819 © L. Calçada / ESO
Aujourd'hui, mettons le cap vers la constellation du Télescope, direction : HR 6819. Distant d'à peine 1120 années-lumière, ce système stellaire fut découvert il a quarante ans et a été l'objet de plusieurs observations, l'une d'entre elles remontant à 2020. Celle-ci, menée à l'ESO (European Southern Observatory) lui-même basé au Chili, était dirigé par l'astronome Thomas Rivinius, qui avait conclu qu'en cet endroit se trouvaient trois objets bien distincts : une étoile de classe Be, c'est à dire massive et possédant une grande vitesse de rotation, voisine d'un partenaire invisible que l'on assimila à un trou noir de quatre masses solaires, autour duquel orbitait plus loin une autre étoile appartenant, elle, à la séquence principale (qui serait donc "dans la moyenne" de la population de ces astres présente dans l'Univers). Admise à ce moment-là, cette étude prouvait que le trou noir localisé au sein d'HR 6819 devenait, par le fait même, plus proche de la Terre que l'on connaisse. Peut-être, sauf qu'en réalité il en est autrement ! Pourquoi, me direz-vous ? Tout simplement parce que ce système ne contient pas de trou noir ! Ce n'est pas possible enfin ! Les scientifiques se seraient-ils réellement trompés ? Laissez moi étayer cela... Tout d'abord, cette découverte était-elle vraiment si admise que cela ? Apparemment non, puisqu'une autre, y étant ultérieure, en a contesté les résultats. Co-écrite avec l'équipe de Rivinius, elle présente et concorde le point de vue de celle menée par Julia Bodensteiner, à l'époque doctorante à l'université belge de KU Leuven. Elle argumentait que la période orbitale élevée de quarante jours qui avait été détectée pouvait s'expliquer autrement qu'au travers de l'hypothèse du trou noir ; le raisonnement à la base de la nouvelle étude implique que le phénomène physique concerné serait plutôt de l'ordre du vampirisme stellaire, un terme hyperbolique qui désigne l'absorbation de la matière d'une étoile par une autre. Associé à d'autres chercheurs, ce groupe décida d'effectuer de nouvelles observations plus complètes, à l'aide d'instruments plus puissants que le "petit" télescope MPG, disposant d'un diamètre de 2,2 mètres, auparavant utilisé. "Nous avions atteint les limites des données existantes, nous nous sommes donc tournés vers une stratégie d'observation différente dans l'optique de trancher entre les deux scénarios proposés par les deux équipes", souligne la docteure Abigail Frost, principale autrice d'une nouvelle étude sur le sujet, publiée le 2 mars dans Astronomy & Astrophysics. Pour y parvenir, on sortit l'artillerie lourde, à savoir le VLT (Very Large Telescope) et le VLTI (Very Large Telescope Inteferometer) afin d'obtenir des images plus nettes et exploitables. La question que les deux équipes se posait put seulement être résolue en déterminant si les deux points lumineux d'HR 6819, "sur lesquels nous étions d'accord, se déplaçaient en orbites rapprochées, comme dans le cas privilégié, ou alors si elles étaient éloignées, comme dans la théorie du trou noir", dit Rivinius. Vous vous en doutez bien, la première option fut bel et bien validée, notamment à l'aide des appareils GRAVITY et MUSE chacun présent sur le VLTI et VLT, dont la précision ont été capable d'identifier la distance séparant les deux étoiles comme étant égale à un tiers de celle entre la Terre et le Soleil et qu'il n'y avait aucun compagnon brillant sur une orbite plus large. La théorie du vampirisme s'en retrouve confirmée, HR 6819 représentant au regard des scientifiques "des découvertes très excitantes" ainsi qu"un candidat parfait pour étudier l'évolution du vampirisme chez les étoiles massives et de plus la formation de phénomènes alternes, incluant les ondes gravitationnelles et les explosions de supernova".


© CNSA
Zhurong et l'érosion passée de la planète Mars

Dans le cadre de la mission Tianwen-1, le rover Zhurong (du nom d'une divinité mythologique associée au feu) s'était posé en mai dernier sur Mars, devenant ainsi le premier engin chinois à fouler le sol de la planète rouge. Depuis lors, celui-ci a déjà parcouru environ 450 mètres et a analysé sans relâche la géologie et les caractéristiques chimico-topologiques de son lieu d'atterrissage, à savoir Utopia Planitia, une vaste plaine volcanique s'étendant sur plus de trois milles kilomètres dans l'hémisphère nord. Fruit d'une collaboration entre divers instituts de Chine ainsi que de deux autres situés chacun en Allemagne et au Canada, une étude fut récemment publiée dans la revue Nature Geoscience, qui s'intéresse aux 60 premiers sols (soient 62 jours terrestres) qu'a passé Zhurong et sur les découvertes qu'il a effectué durant cet intervalle-là. Grâces aux données et aux images à leur disposition, elles-mêmes récoltées à l'aide des six instruments que comporte le rover, les scientifique ont pu révéler les preuves d'une très probable érosion du sol, qui se serait déroulé sur des millions d'années. La région est en effet plate et sans reliefs apparents, mais l'on pense aujourd'hui qu'il s'agirait d'un ancien lac, et que son plancher sur lequel évolue actuellement Zhurong aurait été modifié par l'action de l'eau, mais également de l'air, une fois l'endroit desséché. "Les textures rocheuses observées peuvent à la fois indiquer l'existence d'une érosion physique via des traces d'impact, de vent ou de gel, mais aussi d'interactions aqueuses impliquant du sel et de l'eau saline", peut-on lire dans l'étude. Grâce aux caméras du système NaTeCam, a-t-on eu l'occasion de détecter ce qui semble être des rainures et particules sur certaines roches, qui auraient alors été transportées par le vent. Ce dernier serait aussi à l'origine de la création de dunes, recouvertes d'un sable maléable, à la surface martienne et du transport de poussières fines. Tout ceci approfondit donc notre connaissance de la physique des sols de cette planète, d'autant plus qu'elle approfondit notre compréhension de leur composition ; leur fonctionnement nous semble plus claire, car "offrant d'excellentes opportunités pour se plonger dans l'histoire liquide et l'évolution climatique des basses terres du nord" ainsi qu'en "nous éclairant sur l'habitabilité de Mars", explique Kirsten Siebach, assistante-professeure au département de sciences planétaire de l'université de Rice. De fait, avec plusieurs missions robotisées envoyées vers Mars en plusieurs décennies, nous avons eu la chance de disposer d'analyses différentes de par leur disparité géographique mais qui concordaient ensemble vers un seul modèle géologique. Or, si l'on compare les données obtenues via cette étude avec celles issues de l'une des premières missions martiennes de l'histoire, à savoir Viking 2 qui s'était lui aussi posé sur Utopia Planitia en 1976, la différence dans l'interprétation est notable. Au départ considéré comme de la lave basaltique, ce qui ne ressemble alors pas à "ce que nous associons avec la croûte d'Utopia. Zhurong suggère ainsi une évolution géologique bien plus complexe que celle déduite par Viking 2", précise le professeur John Bridges de l'université de Leicester. "En possédant aux alentours de neuf ou dix sites d'atterrissage éparpillés sur Mars, les procédés naturels en cours dans les régions concernés prennent plus de sens", rajoute Siebach.



Les Brèves Spatiales 

Pour finir cette Actu, quelques petites Brèves Spatiales qui méritent bien d'être mentionnées !



Exemple de trachtographie
© TractoR
Des scientifiques européens et russes ont mené une étude visant à observer les effets d'un séjour spatial sur le cerveau et les connexions neuronales. Ceux de douze astronautes ayant effectué des séjours de longues durées dans l'espace ont été examinés sous imagerie à résonnement magnétique (IRM) à trois moment donnés, avant et après leur vol ainsi que sept mois après leur retour. Les données collectées ont ensuite été reconstituées en trois dimensions, grâce à une technique nouvelle : la trachtographie fibratoire. Celle-ci, utilisée pour la première fois, permet d'obtenir une image complète et précise du cerveau en y incluant les voies neuronales et par conséquent les méthodes de "recâblage" qu'adopte le cerveau en situation d'impesanteur. En s'intéressant à la plasticité de cet organe, les chercheurs ont de fait découvert des modifications dans les régions motrices et sensorielles, en particulier dans le corpus callosum, une aire constituée de nerfs connectant les deux hémisphères cérébraux. "Les changements de structures que nous y avons observé sont causé par la dilation de ventricules qui ont un impact sur les tissus neuronaux adjacents. [...] Toutes ces trouvailles nous offrent des pièces additionnelles à ce puzzle", explique Floris Wuyts, neuroscientifique à l'université d'Antwerp. Outre cette transformation de la forme neuronale de certaines régions du cerveau relatives au mouvement ont été également constatés l'augmentation du volume de matière grise et blanches ainsi qu'une altération des mouvements des fluides. Le cerveau sait certes s'adapter dans l'espace, mais le fait que certaines de ses fonctions n'y soient plus mobilisées représente un risque à considérer sérieusement pour l'avenir de la conquête spatiale, d'autant plus que ces altérations sont toujours visibles des mois après la réadaptation des astronautes. 

Le Kennedy Space Center de Floride est en pleine ébullition, à l'approche d'Artemis I ! La première étape constituant l'acheminement du Space Launch System (SLS) vers le pas de tir 39A vient de débuter, à savoir la rétractation des plateformes d'assemblage qui entourent le lanceur haut de 110 mètres. Au nombre de vingt, elles permettent aux membres du personnel de travailler sur le SLS, à tous les niveaux du VAB (Vehicle Assembly Building). La NASA a précisé dans un post que le retrait des échafaudages allait continuer alors que les équipes vont continuer d'inspecter chaque partie du lanceur et d'installer les instrumentations nécessaires, qui vont être mises à l'épreuves lors du roll out devant se dérouler la semaine prochaine.

Le SLS dans le VAB © K. Shiflett / NASA

Le vendredi 4 mars, un débris spatial est rentré en collision avec la surface de la Lune, à 13h25 GMT+1 heure française. D'une masse d'environ 3t et possédant une vitesse supérieure à 2km/s, l'objet avait déjà été découvert et traqué depuis janvier avant de se crasher sur la face cachée, près du cratère de Hertzsprung, et est censé en avoir formé un nouveau d'une vingtaine de mètres de diamètre. Plusieurs ont affirmé qu'il serait issu d'une Falcon 9, sauf que l'hypothèse tendrait plus vers une origine chinoise : l'étage proviendrait d'une Longue-Marche 3C, lancée en 2014 dans le cadre de la mission Chang'e 5 T1.

La NASA a déclaré avoir alloué trois nouvelles missions commerciales à son partenaire SpaceX, dans le cadre de son contrat CCtCap. D'un coût équivalent à 3,5 milliards de dollars, ce nouvel arrangement prévoit donc le déroulement des missions Crew-7, Crew-8 et Crew-9. Partageant le contrat avec Boeing et son Starliner, SpaceX disposera toujours de sa Falcon 9 et de son vaisseau Crew Dragon afin d'emmener des astronautes vers l'ISS, ce dans un délai rallongé jusqu'à mars 2028. Cette décision est en partie du au contexte actuel qui oblige l'agence américaine à renforcer ses moyens de transport spatiaux nationaux.

On ne présente plus Ingenuity, le fameux hélicoptère martien ayant effectué tant de survols de la planète rouge ! Ce vendredi 11 mars, il s'est envolé pour la 21è fois, étant demeuré en l'air 129 secondes ou plus d'une minute et parcouru 370 mètres. "#MarsHelicopter ne peut pas s'arrêter !", s'est exclamé le JPL (Jet Propulsion Laboratory) sur Twitter ; les ingénieurs en charge de cet engin ont de quoi être fiers, puisqu'Ingenuity, en plus d'être unique en son genre, continue de fonctionner alors qu'il est présent sur Mars depuis février dernier.





  



Merci d'avoir lu cette Actu, je vous dis à bientôt sur Space Tales pour de nouvelles découverte ! D'ici là, portez-vous bien ! 🚀

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