TRAPPIST-1 e, l'exoplanète au climat plus sensible que la Terre !

             






Les changements climatiques nous affectent tous, de près ou de loin, aujourd’hui ou demain. Mais cela se serait-il passé différemment sur une autre planète ? Aurions-nous pu polluer davantage avant d’en subir les conséquences, ou au contraire auraient-elles été encore plus rapides à émerger ? La réponse dépend des paramètres planétaires de chaque monde, et cela est désormais connu grâce à une découverte sur la sensibilité climatique d’une exoplanète hautement importante, TRAPPIST-1 e. Vous découvrirez dans cet article que ce qui est passable sur une planète peut être fatal sur une autre, et que certaines erreurs du présent doivent bien être retenues en vue d’un avenir différent… sur d’autres planètes.

Pour commencer nous explorerons le système planétaire TRAPPIST-1 afin de découvrir ses particularités qui justifient l’attention de très nombreux astrophysiciens, puis nous reviendrons sur Terre pour comprendre le concept de sensibilité climatique, avant de retourner sur l’exoplanète TRAPPIST-1 e sur laquelle une découverte importante a été faite concernant sa sensibilité climatique, ce qui nous amènera enfin à définir certaines conséquences à garder en mémoire en vue de futurs explorations de ce monde avec le James Webb Space Telescope ou même des défis auxquels font face d’éventuellement formes de vie à la surface de cette planète. 


Système TRAPPIST-1, situé à 40 années-lumière, avec la zone habitale en bleu © NASA

Le système TRAPPIST-1, dont le nom est issu du nom du télescope belge l’ayant découvert, est situé à 40,5 années-lumière de la Terre. Trois premières planètes ont été découvertes en 2015 par le télescope TRAPPIST, puis quatre autres en 2017 grâce au télescope Spitzer. Ce système planétaire est très petit, dans le sens où toutes ses exoplanètes découvertes sont contenues dans un rayon (9 millions de kilomètres) six fois plus petit que l’orbite de Mercure ! Autant dire que ce système serait une utopie pour le voyage spatial, on pourrait passer d’une planète à une autre en un rien de temps (comparé aux temps requis dans notre Système Solaire). Si une civilisation technologiquement évoluée existe sur l’une de ces exoplanètes, elle aura vite fait d’explorer et de coloniser chacune des planètes de son Système (à quelques détails près). 

Et parlant de vie extraterrestre, cela n’est pas qu’une idée en l’air, car le système TRAPPIST est en réalité l’un des rares avec une haute probabilité d’abriter plusieurs planètes habitables sur lesquelles se trouve la vie. Plus précisément, les exoplanètes TRAPPIST-1 e, TRAPPIST-1 f, et TRAPPIST-1 g sont toutes les trois dans la zone habitable de leur étoile, c’est-à-dire ayant l’éloignement requis de l’étoile pour que l’eau puisse exister à l’état liquide. Non seulement ça, mais en plus chacune de ces exoplanètes possèdent à priori une atmosphère, ainsi que des quantités importantes d’eau (toutes ces informations seront validées et approfondies dans les mois et années à venir par les observations du James Webb Space Telescope). On comprend pourquoi ce système intéresse tant les scientifiques, notamment pour la quête de la vie.


La dernière découverte concernant ce système est justement l’objet de cet article. Il s’agit plus particulièrement de TRAPPIST-1 e, qui fait partie des exoplanètes a très hauts potentiels, dont les paramètres planétaires sont très similaires à la Terre (85% d’après l’indice IST). Cette planète possède un noyau de fer, une atmosphère contenant des traces d’eau, et est en rotation synchrone, c’est-à-dire qu’elle montre toujours la même face à son étoile (de la même façon que la Lune montre toujours la même face à la Terre), ce qui implique que la face illuminée possède une température plus élevée que la face sombre et par conséquent cela pourrait restreindre l’habitabilité de cette planète à sa seule face éclairée (puisque seul ce côté serait suffisamment chaud pour que l’eau s’y trouve à l’état liquide). Cette caractéristique de TRAPPIST-1 e est importante à garder à l’esprit puisqu’elle est l’un des éléments clés liés à cette découverte. L’exoplanète qui nous intéresse est donc une analogue à la Terre, et possède une atmosphère suffisamment complexe pour qu’un système climatique soit actif. En voulant comparer le climat de TRAPPIST-1 e au climat terrestre, un groupe d’astrophysicien a démontré une différence importante entre nos deux mondes : la sensibilité du climat de TRAPPIST-1 e est nettement plus élevée que sur la Terre !

Vue à l'échelle (distances relatives) des planètes du système TRAPPIST-1 © NASA / JPL

Mais pour mieux comprendre cette découverte importante, faisons une petite mise en contexte climatique en revenant sur la Terre…


L’augmentation du CO2 dans l’atmosphère terrestre conduit le climat de la Terre à se modifier de lui-même, notamment sous l’effet du réchauffement global de l’atmosphère. Cette augmentation en pression partielle de CO2 (qui est central dans la réaction des gaz), dont l’activité humaine est très largement responsable, a une « force » d’impact mesurable sur les changements climatiques. Mais saviez-vous que cette force n’est pas la même sur toutes les planètes ? Plus précisément, pour chaque planète possédant une atmosphère, et donc assez probablement un climat (avec une complexité plus ou moins grande), il existe une sensibilité climatique à la variation de pression partielle de CO2. C’est un paramètre de la composition atmosphérique très important à prendre en compte, d’une part pour comprendre la nature des différentes exoplanètes, et d’autre part pour éviter de reproduire des catastrophes de nature climatique sur les autres mondes que nous serons probablement un jour amenés à peupler. Pour définir une échelle facile à visualiser, disons que la sensibilité climatique de la Terre par rapport à la variation de pression partielle en CO2 est égale à 1. Toute autre planète ayant un climat similaire à la Terre devrait se situer sur cette échelle, que sa sensibilité soit plus faible (<1) ou supérieure (>1) par rapport à la Terre.

Incendie en Gironde (2022), un phénomène amplifié
par les changements climatiques © AFP PHOTO / SDIS 3

Nous pouvons à présent nous envoler pour rejoindre TRAPPIST-1 e et découvrir la particularité de son climat !


La récente étude parue dans The Astrophysical Journal (voir Références) fait état de cette nouvelle découverte sur la dynamique du climat de TRAPPIST-1 e : sa sensibilité climatique à la pression partielle de CO2 est de 1,5, c’est 0,5 de plus que la Terre. Donc 50% plus sensible que la Terre ! Cela implique que l’augmentation de la pression partielle de CO2 dans l’atmosphère de TRAPPIST-1 e mène à des changements beaucoup plus importants dans son climat que ça ne le serait sur Terre pour une modification de pression partielle de CO2 équivalente. Une variabilité climatique rapide d’une dizaine de degrés par rapport à la norme peut produire des phénomènes climatiques extrêmes (tempêtes, canicules, gèles…) qui menacent l’habitabilité de l’exoplanète. Par exemple, une augmentation du CO2 dans l’atmosphère de TRAPPIST-1 e impliquerait un effet de serre qui réchaufferait l’atmosphère encore plus fortement que cela ne se produirait sur Terre. Pour généraliser, la modification significative de la pression partielle de CO2 dans l’atmosphère de TRAPPIST-1e conduirait à rendre plus difficile la vie à sa surface… (cela me rappelle une autre planète bleue)

Ceci étant dit, plusieurs autres différences par rapport à la Terre ont été mises en évidence. Entre autres, comme on l’avait déjà évoqué, l’exoplanète possède une face éclairée et une face d’obscurité. Cela résulte en une répartition inégale du rayonnement solaire dans l’atmosphère de TRAPPIST-1 e, et donc en des sensibilités variables en fonction des zones considérées (longitude/latitude). Par exemple, elle est plus élevée dans la zone équatoriale ce qui conduit le mécanisme des précipitations (pluies…) à être 2 fois plus sensible à la pression partielle de CO2 que sur la Terre ! Les phénomènes climatiques extrêmes seraient donc encore plus puissants que sur Terre en cas de réchauffement climatique de TRAPPIST-1 e. 

La Terre comparée à TRAPPIST-1 e © NASA
Cette étude se basait sur une modélisation « simplifiée » (quoique loin d’être simple) de l’exoplanète, qui consistait à la considérer comme une planète océan. Il est tout à fait possible qu’elle soit en vérité composée de continents, d’îles, de reliefs importants, d’abysses, etc qui forgent la façon dont le climat évolue réellement. Mais il n’est pour l’instant pas possible de connaître les précisions géographiques et topologiques de TRAPPIST-1 e (cela viendra peut être avec des études plus complexes se basant sur les données qui seront recueillies avec le James Webb James Telescope). En attendant l’apport de données supplémentaire et d’outils plus précis, cette découverte a permis de tester un nouveau système de modélisation climatique exoplanétaire et d’offrir une première vue de la dynamique du climat d’un autre monde similaire à la Terre et de sa sensibilité aux changements de composition atmosphérique (en l’occurrence du CO2).

Si des êtres vivants avaient la chance de vivre à la surface de cette planète, serait-ce vraiment une chance ? Leur étoile, TRAPPIST-1 a, est une naine rouge ultra-froide (2 fois moins chaude et 8 fois moins grande que notre Soleil) de type spectral M. Une étoile de ce type émet d’intenses rayonnements ultraviolets et X qui sont extrêmement nocifs pour la vie biologique tel que nous la connaissons. Ces rayons ont pour effet de « chauffer » (voir brûler) fortement les cellules menant à des mutations de l’ADN, ce qui fait apparaître des maladies et des cancers. De plus, les paramètres stellaires de l’étoile indiquent que cette dernière produit de fortes éruptions solaires qui sont elles aussi hautement dangereuses lorsqu’elles atteignent des planètes (et pour rappel toutes les exoplanètes du système sont très proches de leur étoile…). 

Surface de TRAPPIST-1 f, avec TRAPPIST-1 e
à gauche dans le ciel © NASA / JPL
C’est pourquoi, malgré les particularités très intéressantes (paramètres planétaires et compositions atmosphériques apparentes) des exoplanètes du système TRAPPIST-1, l’habitabilité de ces mondes n’est pas garantie.

Les études approfondies de l’atmosphère de TRAPPIST-1 e permettront d’en savoir davantage sur sa capacité à protéger d’éventuelles formes de vie à sa surface. La présence d’un noyau ferreux est déjà de bon augure concernant la présence d’un champ magnétique capable de protéger au moins partiellement la planète des vents solaires (comme sur la Terre), mais il faudra également vérifier si l’atmosphère est composée d’éléments protecteurs, telle qu’une couche d’ozone, capable d’arrêter les rayonnements UV. C’est de cette mission (parmi tant d’autres) qu’est investi le nouveau télescope spatial James Webb désormais en service, et nous devrions en apprendre davantage au sujet de l’atmosphère et des climats des mondes TRAPPIST-1 dans l’avenir proche.


Pour conclure sur cette découverte, l’élément important à retenir est le fait que la galaxie regorge d’une très grande diversité d’exoplanètes. Cette diversité s’observe dans les propriétés des exoplanètes qui possèdent donc chacune une nature propre, que l’on commence tout juste à explorer (aujourd’hui cela concernait la différence de sensibilité climatique d’une planète à une autre). La décennie qui s’ouvre initie un domino de surprises dont les pièces grossissent découvertes après découvertes, jusqu’à l’ultime retentissement que constituera la découverte d’une vie en dehors de notre Terre.


Si vous souhaitez prendre part à cette aventure digne des prémisses de Starfleet (pour les connaisseurs de Star Trek), vous pouvez ajouter www.exoplanetes.fr à vos sites favoris dans la liste « Explorer la Galaxie » – vous y trouverez des outils et des articles destinés à la communauté francophone des astronomes et à tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à l’exploration de notre Galaxie –, mais plus important encore : continuez à regarder vers les étoiles, à vous interroger sur la nature de ce que vous voyez, et à progresser au mépris du danger vers l’inconnu.


Galaxieusement vôtre, Tim de la Star Légion (créateur et rédacteur de exoplanetes.fr)

À bientôt dans l’espace !


Références : 

    • Étude parue dans The Astrophysical Journal : https://arxiv.org/ftp/arxiv/papers/2208/2208.06297.pdf 

    • Similarité de noyau entre TRAPPIST-1e et la Terre : https://arxiv.org/pdf/1804.10618.pdf 

    • Le James Webb Space Télescope :  https://jwst.nasa.gov/ 

    • Données sur le système TRAPPIST-1 :                         https://www.exoplanetes.fr/explorercsrfmiddlewaretoken=4an5T7QiKSbPez5DJPL2bRFqKkI5XQ1QddHZoKtYAjDLGpJuNIufDLxriF40d3Zc&query_search=TRAPPIST#recherche 





  



Comme vous l'aurez remarqué, cet article a été écrit par Tim, le créateur du site Exoplanetes.fr qui présente le monde fabuleux des exoplanètes, les référence en détail et fournit des ressources complètes à leur sujet . N'hésitez pas à consulter son site, sur ce j'espère que cette collaboration vous aura plu, à bientôt pour de nouvelles découvertes ! 🚀

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