JAMES WEBB SE PORTE AU MIEUX - L'ACTU SPATIALE #31, du 16 Janvier 2022

         






HELLO LES COSMONAUTES !



Voici le résumé de l'actualité spatiale des dernières semaines écoulées, tant relatifs aux vols qu'aux lancements ou bien aux dernières découvertes ! Sur ce, c'est parti !



Tous les voyants sont au vert pour James Webb

Il représenta un magnifique cadeau de Noël pour toute la communauté scientifique, et toutes les étapes de sa mise en fonction se déroulent tel que prévu ; que rêver de mieux pour le télescope spatial James Webb ? Censé être le digne successeur d'Hubble, cet objet incroyable dans tous ses aspects doit être pleinement opérationnel en milieu d'année. Cependant, il est obligé de suivre une série d'opérations, dont une grande partie a déjà été réalisée avec succès. La plus complexe et fastidieuse d'entre elles fut le déploiement complet de son miroir primaire : en effet, celui-ci, composé de 18 segments hexagonaux composés de béryllium couvert d'une plaque d'or, aurait été incapable de faire tenir ses 6,5 mètres de diamètre sous la coiffe de son lanceur. Afin de palier cette contrainte, dut-on le plier et  le rétracter sur lui-même à la manière d'un origami. Depuis le centre spatial guyanais, le JWST décolla ainsi le 25 décembre à 13h20 UTC+1,, à bord d'Ariane 5. Quelle ne fut pas la joie et l'excitation des équipes au sol lorsque le télescope, moins d'une demi-heure après son lancement, se détacha du dernière étage de sa fusée ; une image iconique, prise à ce moment-là, nous offre une vue incroyable de ce bijou de technologie, enfin dans l'espace après trente ans de développement et dix milliards de dollars ! Ce que Jonathan Gardner, scientifique et responsable de Webb, qualifia de "plus grand projet de science fondamentale que les Etats-Unis ont jamais réalisé" se dirigea, et se dirige toujours, vers son emplacement définitif, à savoir le point de Lagrange L2, une région de l'espace où les interactions gravitationnelles de la Terre et du Soleil s'annulent, ce qui permet d'y rester à peu près stable au cours du temps. Mais avant de parcourir les 1,5 millions de kilomètres qui l'en séparent, le télescope accomplit plusieurs manœuvres à la suite. Après le déploiement de ses panneaux solaires puis de son antenne à haut gain, James Webb débuta celui de son pare-soleil, un superbe bouclier qui permettra, grâce à ses cinq couches de polymère, de réfléchir mais aussi de filtrer les rayons solaires. Cette opération prit une semaine à se dérouler, du mardi 28 décembre avec l'extension du bras avant de soutien jusqu'à la mise en tension de la dernière couche le 4 janvier. Vint ensuite le placement du miroir secondaire le lendemain, et enfin le déplacement des parties droite et gauche du miroir encore rétractées, chacune le 7 et 8 janvier. La NASA s'est dite très fière de cet exploit, selon elle la plus complexe qu'il y a avait à faire. "Je suis tellement ému", a déclaré le responsable des missions scientifiques au quartier général de l'agence Thomas Zurbuchen, "Je suis très fier de l'équipe qui a accompli une prouesse unique en son genre. [...] Je la remercie pour son travail intensif, son investissement et son sacrifice". L'administrateur Bill Nelson n'a lui non plus pas hésité à s'exprimer là dessus : "la NASA a franchi un nouveau pas d'ingénierie [...] Je me joins à cette incroyable équipe qui peut à présent souffler un peu et imaginer les percées futures destinées à inspirer le monde". L'épopée de James Webb ne fait pour autant que commencer, puisqu'il devra encore attendre deux semaines avant d'arriver à sa "place de parking", et plusieurs mois le temps que les observations scientifiques ne débutent.

Les différentes phases du déploiement de James Webb © P. Len

Les données de Chang'e © Science Advances
Les chinois confirment l'existence d'eau lunaire sur place

Nous savons depuis bien longtemps que la Lune regorge d'eau à l'état liquide : que ce soit par le biais d'analyse d'échantillons de roches et de poussières, notamment ceux des missions Apollo, ou via les observations orbitales, ce qu'a fait par exemple le satellite indien Chandrayaan-1 ou le Lunar Reconnaissance Orbiter américain. Une véritable cartographie hydraulique de l'astre a été réalisé, montrant que cette ressource, malgré les contraintes immenses dues aux températures et aux radiations solaires, pouvait par exemple se nicher sous forme de calottes solides dans les cratères aux pôles, là où certains terrains ne sont peu ou jamais éclairés. Cette eau n'avait cependant jamais été détectée in situ, directement sur place ; c'est à présent chose faite avec l'atterrisseur chinois Chang'e 5. En effet, la Chine mène depuis plusieurs années une politique poussée d'exploration robotique de notre satellite, qui porte le nom de la déesse mythologique lunaire. Reprenant le flambeau aux soviétiques avec leur programme Luna, les chinois lancèrent une série d'engins motorisés à destination de la Lune, le dernier en date s'étant posé en décembre 2020 à proximité d'Oceanus Procellarum ou l'Océan des Tempêtes, une région basaltique d'origine volcanique relativement jeune. Non content d'avoir renvoyé plus d'un kilogramme de régolithe sur Terre, Chang'e s'est également affairé à sonder le sol environnant, à l'aide de son instrument spécialement adapté à la détection de formes d'eau, le LMS (Lunar Mineralogical Spectrometer). Les scientifiques ont ainsi pu, en tenant compte d'un modèle thermique spécifique à la chaleur solaire de surface qui trouble l'observation, isoler la trace spectrale de l'eau, à une longueur d'onde correspondant à 2.85 micromètres. Les teneurs en eau découvertes sont de fait assez faibles mais non-négligeable : environ 120 ppm (parts par millions) présents dans le régolithe, et jusqu'à 180 ppm dans une roche vésiculaire annexe. Ces données-là ont depuis été confirmées au sol sur les échantillons rapportés de la Lune. Tel que dit dans l'étude publiée dans la revue Science Advances le 7 janvier : "il ne nous est pas encore possible de déterminer si l'eau en question se compose d'hydroxyle [HO] ou d'eau moléculaire [H₂O]", mais il est fort envisageable que la formation de l'eau du régolithe soit issue d'une déposition par le vent solaire, constituée de particules chargées qui charrieraient les éléments de surface. Pour ce qui est de celle se trouvant dans la roche, on part en revanche plus vers des spéculations, Honglei Lin, géologiste de l'Académie Chinoise des Sciences et co-auteur de l'étude le précise : "les analyses montrent que la roche aurait pu être extraite d'une unité basaltique plus ancienne et en avoir été éjectée. [...] [Les teneurs d'eau différentes] pourraient suggérer un dégazage du manteau lunaire juste en dessous du site d'atterrissage". Cette découverte irait finalement en corrélation avec le passé volcanique de la région, et prouverait bien que non seulement l'eau est une ressource plus abondante qu'on ne le pensait, mais aussi que ses possibles sources devront être considérées dans le cadre de la future colonisation lunaire. 

Une exolune découverte dans un autre système planétaire

Vue d'artiste de Kepler 1808b et de sa lune
© NASA / ESA / L. Hustak
La recherche d'exoplanètes s'est, ces dernières décennies, considérablement diversifiée et intensifiée, au point que l'on en connaît à l'heure actuelle environ 5000. Ce champ de la recherche spatiale a pris énormément d'ampleur, mais nous sommes en droit de nous poser une question somme toute logique : et si ces planètes lointaines disposaient, comme dans notre système solaire, de lunes autour d'elles ? Cette interrogation est d'autant plus compliquée à résoudre que la méthode du transit, généralement utilisée pour la détection d'exoplanètes, est déjà assez ardue à utiliser. Se basant sur la baisse de luminosité d'une étoile correspondant au passage d'un astre devant celle-ci, cette méthode rendrait donc la découverte d'une exolune encore plus rare. L'étude de ces objets représente un champ de recherche encore jeune, en attente d'être exploité. Cette tâche à priori incertaine a cependant été prise en main à deux reprises par une équipe de chercheurs, et aurait même abouti selon eux à des résultats concluants. Sur la base de données issues d'observations de l'ex-télescope Kepler, l'astronome à l'université Columbia David Kipping et ses collègues avaient d'ores et déjà spéculé, en octobre 2018, la détection d'une exolune dans le système Kepler 1625, à 8000 années-lumière de la Terre. L'objet en question, de la taille de Neptune, serait en orbite autour d'une planète similaire à Jupiter, et son existence avait depuis été confirmée par des observations ultérieures d'Hubble, mais la communauté scientifique ne l'accepte pas totalement. La même équipe s'est ensuite attelée à l'analyse de 70 cas concernant des "géantes froides", c'est à dire des planètes gazeuses évoluant sur des orbites distancées de leur étoile. Sachant que la présence d'une exolune influerait sur l'intensité de la luminosité de ces dernières, chacune fut traitée une par une et l'on y appliqua des modèles afin de constater lesquelles correspondraient à de tels profils. Trois furent au total jugées intéressantes, sauf qu'une seule correspondait réellement à ce qu'attendait les chercheurs. Au regard de Kipping, Kepler 1808 b-i est "une candidate intouchable", détaillant que "durant quatre ans on avait essayé de prouver que sa trace était fausse, mais qu'elle avait passé tous les tests qu'on eut pu imaginer". Faisant le tiers de la taille de sa consœur et un peu plus du double de celle de notre planète, elle présente un aspect "surprenant" selon l'astronome mais pas inexplicable pour autant : "les premières détections de ce genre seront toujours les plus bizarres, les plus grosses qui sont plus faciles à détecter avec notre sensibilité limitée". Dans l'étude publiée dans Nature Astronomy, il est précisé que si cette seconde exolune devait réellement exister,  elle orbiterait autour de son hôte en 4,6 jours, ce à une distance de 740000 kilomètres, le double de l'éloignement de notre Lune. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives intéressantes, mais reste encore à étayer, nous l'espérons avec la mise en service du JWST.



Les Brèves Spatiales 

Pour finir cette Actu, quelques petites Brèves Spatiales qui méritent bien d'être mentionnées !



Début décembre, l'astromobile chinois Yutu 2 avait détecté une forme étrange sur la Lune, en forme de cube. Diverses spéculations avaient été émises à son sujet, notamment le fait qu'il s'agirait d'une structure extraterrestre, une hutte, un vaisseau ou encore un monolithe. La CNSA a voulu en avoir le cœur net, et a dirigé son rover en direction de ce singulier objet, qui ne s'est avéré être qu'une simple roche, son apparence géométrique n'était qu'une illusion d'optique.

Voici un phénomène unique en son genre : AT2020mrf, détecté il y a moins de deux ans, est une supernova dite "vache", et fait partie d'une catégorie d'entre elles dont la particularité est d'émettre encore plus de lumière et d'énergie que leurs conjointes standards. Ce montre est ainsi le plus puissant jamais détecté dans les rayons X, ce qui suggère qu'un trou noir ou bien un magnetar serait en son centre.  

Angara sur son pas de tir © mil.ru

Le lundi 27 décembre, la Russie avait effectué le troisième lancement d'essai de son nouveau lanceur lourd Angara A5, au cosmodrome de Plesetsk dans le nord arctique. Celui-ci prévoyait que l'étage supérieur de la fusée Persei effectue deux allumages de ses moteurs afin de placer à l'orbite voulue sa charge factice.  Or, le deuxième ne s'étant pas déroulé, l'étage resta neuf jours au dessus de la Terre avant de rentrer dans l'atmosphère le 5 janvier à 22h heure française et de s'échouer dans une parcelle d'océan, aux alentours de la Polynésie. 

SpaceX vient de réussir ses deux premiers lancement de l'année : en effet, la compagnie a effectué deux lancements de sa Falcon 9, l'un le jeudi 6 janvier et l'autre une semaine après soit le 13 janvier, qui incluaient une mise en orbite de satellites Starlink. Leur nombre vient ainsi d'augmenter de 154, s'ajoutant aux presque 2000 déjà présents au dessus de nos têtes. Ces satellites-là, bien que censés délivrer un accès à Internet haut débit, seraient la cause de la moitié des accidents orbitaux. 

Depuis le vendredi 14 janvier, l'ISRO, l'agence spatiale indienne, est sous la tutelle d'un nouveau directeur, Shri Somanath, ingénieur spécialisé dans les systèmes de propulsion, dirigeait le centre spatial Virkram Sarabhai ainsi que le département des systèmes à propulsion liquide de Valiamala. Ayant participé au développement des fusées PSLV et GSlv Mk-III, Somanath souhaite concrétiser le programme habité de l'Inde Gaganyaan ainsi que remettre sur les rails l'agence, éprouvée par la crise et plusieurs échecs. 

Les nouveaux astronautes de la NASA viennent de commencer leur entraînement au Johnson Space Center à Houston, le lundi 10 janvier. Ces dix personnes (six hommes et quatre femmes) font partie de la 23è sélection effectuée par l'agence depuis sa création, et furent sélectionnées parmi plus de 12000 candidats. Qu'ils soient pilotes, ingénieurs, médecins ou encore chercheurs, ils constituent la prochaine génération pour les vols habités, et ce seront certainement eux qui prendront en main la capsule Orion et le lanceur SLS.





  



Je vous remercie d'avoir lu cet article et je vous dis à bientôt pour de nouvelles découvertes, d'ici là portez-vous bien ! 🚀

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